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De la symbolique des Minarets en terre suisse

19 Janvier 2010 , Rédigé par Mouhtadi Publié dans #chroniques

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Opinions & Débat
De la symbolique des Minarets en terre suisse
 Publié le : 20.12.2009 | 10h29
   
 
 
Najib Mouhtadi
Professeur Science Politique
Coordinateur Master Communication Publique et Sociale
 

 

 

 

 

 

 

Dans le vote contre la construction des Minarets peut germer un microbe politique pouvant à terme remettre en cause le statut même de neutralité de la Confédération Helvétique. Voilà un pays qui a tiré la conséquence des guerres qui déchiraient autrefois l'Europe, pour déclarer sa neutralité vis-à-vis des autres et vivre en paix au milieu de la tourmente. Bien entendu la neutralité signifie à la fois ; le droit de neutralité et la politique de neutralité, ce qui n'exclut pas un droit à la présence active et solidaire dans le concert des Nations, voire à une participation controversée, parfois reconnue parfois démentie, comme «le contingent armé » dans l'opération de maintien de la paix au Kossovo, au sein du groupe d'experts onusiens en désarmement en Irak, ou de soutien à l'OTAN en Afghanistan. L'histoire européenne a surtout appris à la Suisse de ne pas se laisser entraîner dans des conflits étrangers et de nombreuses voix s'élèvent épisodiquement pour demander qu'elle se replie sur ses habilités à développer des richesses à partir du savoir-faire local, en glorifiant l'hymne à la paix !
La politique de neutralité dépend néanmoins des conjonctures et peut être adaptée aux circonstances extérieures.

Dans cet esprit, la Suisse a constamment utilisé la neutralité comme moyen d'adapter sa politique de sécurité et sa politique extérieure en fonction de ses intérêts. Autrefois victime de guerres notamment religieuses, d'alliances et de contre-alliances se soldant par d'importantes amputations de ses territoires (France, Autriche), la Suisse a réussi à récupérer ses terres et consolider ses frontières par le statut de neutralité perpétuelle qu'elle a fait signer à Vienne en 1815. Elle devient un repaire pour la coexistence entre religions, la diversité culturelle et ethnique et représente globalement au 20ème siècle, le symbole d'une société plutôt ouverte, démocratique et multiraciale. Cela a déteint positivement sur son économie, puisque la plupart des organisations internationales ont élu domicile dans ce pays, outre les multinationales et les bénéfices qu'elle a tirés des dépôts en ses Banques devenues fameuses.

Une image resplendissante, d'autant plus que le nom de la Suisse est lié à l'action humanitaire de la Croix Rouge Internationale et ses actions multiples aux quatre coins du monde. Pourquoi donc la Suisse sort-elle subitement de sa neutralité à l'égard d'une tierce religion, même si pour le moment la question est simplement circonscrite à la construction de nouveaux minarets ? Faut-il y voir alors le dérapage d'un parti populiste, en l'occurrence l'UDC crée en 1971 sur des thèses foncièrement conservatrices ? Ce parti dit « agrarien » est connu pour ses thèses conservatrices, xénophobes et racistes, plonge ses racines dans l'idéologie de mouvements ayant frôlé le fascisme dans les années trente du siècle dernier. Il n'empêche que ce parti a remporté 29% des élections fédérales en 2007 et la consultation référendaire a remporté l'adhésion du peuple suisse à 57% ! Serait-ce alors la faillite de la social-démocratie telle que trahie par Tony Blair, entraînant désormais la méfiance des opinions publiques en Europe, et jusqu'à chez nous avec un recul significatif du parti socialiste ? Ce qu'il ne faut pas oublier dans la question du référendum suisse, c'est que le peuple a donné son avis et il s'agit là d'une étape essentielle en matière de législation.

La Suisse est un Etat souverain et le fait d'agir sur l'urbanisme et la dimension esthétique des bâtiments, relève en effet de la dimension administrative du gouvernement. C'est pour contourner le refus gouvernemental probable, que les partisans de cette loi ont recouru au référendum, dans l'espoir de s'entourer d'un maximum de garantie et de crédibilité ? Et si l'histoire des minarets n'était que le début d'autre chose ? Peut-être, il faudrait y voir une tendance à l'islamophobie comme le revendiquent nombre d'analystes de part et d'autre de la méditerranée, mais qui ne dit pas sans nom pour le moment et finira par éclater au grand jour… Certes, on ne voit pas en quoi le fait d'interdire la construction de minarets porterait atteinte à l'Islam et aux musulmans. Encore que l'islam dont il est question en Suisse est principalement un islam enraciné en Europe, car il s'agit de musulmans majoritairement Turcs, Albanais et Bosniaques, et donc des Européens.

Ce qui est ennuyeux dans l'histoire ; est que les Bosniaques ont récemment vécu une terrible guerre de nettoyage ethnique, uniquement pour le fait qu'ils soient musulmans ! La résolution d'interdire les Minarets est d'autant plus de mauvais aloi que ces Minarets de type conique répandus dans la région sud européenne, se dissipent discrètement dans le paysage. Du reste, la première Mosquée construite en terre helvétique remonte à 1963, et il y a uniquement quatre mosquées dotées de minarets, en tout et pour tout, sur une centaine de Mosquées disséminées dans le territoire Suisse. Ce n'est ni le nombre ni la forme qui pose en principe problème. Et si la décision d'interdire les Minarets relevait du choc des cultures, même dans le pays le plus neutre de l'Occident ? On pourrait se demander, en effet, si l'histoire des Minarets avait avoir avec la symbolique… Pourquoi ne pas tenter une lecture psychologique. Au lendemain du 11 septembre 2001, un caricaturiste du nom de Dilem avait dessiné deux Minarets coniques surélevant deux mosquées mitoyennes, un avion qui s'approchait et un imam qui prenait sa tête entre ses deux mains en criant «Oh, my God ! ».

Le rapprochement avec l'image diffusée en boucle des jours durant de l'avion qui heurtait la 1ère tour du Twin Center est saisissant. Ce matin là à NewYork, aux alentours de 9h15, un homme pris en direct par une caméra furtive, constatait l'imminence du forfait criait «Oh my God !». Bien entendu, le discours est déplacé et le message du caricaturiste est décalé ; à supposer que la première armée du monde se venge contre les tours jumelles de Mosquées, symbole des commanditaires de l'attaque du 11 septembre! Là s'arrête la symbolique. Sur un registre freudien, on ne peut cependant s'empêcher de penser que l'attaque des deux tours du Twin Center s'apparentait à un acte de castration du capitalisme financier s'exprimant dans une posture phallique. Les Suisses seraient-ils écœurés de la forme phallique des Minarets musulmans qui se dressent fièrement et sans vergogne dans la contigüité des églises et des Banques ? C'est la forme la plus civilisée et la plus pacifique, dira d'aucuns à la guerre que voulait mener les intégristes musulmans aux occidentaux. La guerre des Minarets serait-elle le prolongement par d'autres moyens, de la guerre contre l'Irak entièrement détruit, de l'Afghanistan ramené à l'âge de la pierre taillée et de la guerre contre le terrorisme qui prend des formes renouvelées au Liban, à Gaza et bientôt ailleurs ? Le mérite de la loi contre les Minarets en Suisse, est d'être directe et franche ; elle dit Non à l'expansion des symboles de l'islam en terre chrétienne. Ce que nombre de mouvements politiques européens souhaitent réellement et ardemment, mais n'osent pas l'avouer, publiquement. Ils ont tort.

 

 

 

 

 

 
  Par Najib Mouhtadi* | LE MATIN
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